Statut des Juifs – Abrogation du Décret Crémieux, Lois des 3 et 7 Octobre 1940 et décret du 20 Novembre 1940
Description
Le dossier comporte, outre les courriers généraux donnant des interprétations évolutives des textes des lois et de leurs modalités d’application, l’examen de quelques cas spécifiques. On notera celui en date du 17 avril 1941 adressé au Maréchal Pétain par Madame veuve Bedoucha de Constantine, mère de 12 enfants et dont le mari, sujet tunisien et naturalisé par décret de 1923, fut tué pendant les émeutes de Constantine le 3 août 1934. Elle souhaite savoir si ses enfants, dont six garçons sont sous les drapeaux, gardent leur citoyenneté française et dans l’affirmative s’ils peuvent prétendre à des places dans les administrations publiques. Le 7 juillet 1941 le Gouverneur Général de l’Algérie transmet sa réponse au Préfet de Constantine que d’une part son mari n’a pas été concerné par l’abolition du décret Crémieux puisque naturalisé par décret individuel, et que ses enfants ont donc conservé la nationalité française, mais d’autre part la qualité de citoyens de ses enfants ne peut être tranchée que par les Tribunaux judiciaires et « que de toute manière ils sont soumis au statut des juifs en ce qui concerne leur accès [ mot illisible] dans les Administrations publiques ».
7 Décembre 1940 – Le Gouverneur Général de l’Algérie répond à une demande du Préfet d’Oran « dans quelles conditions devait être appliqué l’article 5 de la Loi du 7 Octobre 1940 portant abrogation du Décret Crémieux. Aux termes de cet article, un décret pourra conserver le statut politique de citoyen français aux Juifs qui se seront distingués par des services rendus au Pays ». Il précise dans quel esprit doivent être examinées les demandes : « Il s’agit là d’une mesure d’ordre exceptionnel dont pourront, seuls, bénéficier les juifs algériens ayant rendu au pays des services éminents d’ordre social, littéraire, scientifique ou économique. Le fait d’avoir été un fonctionnaire sans reproche, d’avoir collaboré à des œuvres sociales ou sportives, d’avoir géré ses affaires en « bon père de famille », ne saura nullement constituer un titre à l’obtention d’une mesure dont l’octroi doit rester, aux termes de la lettre et de l’esprit de la Loi, une faveur rare. Seules, ne pourront donc prétendre à l’examen de leurs titres que les personnes qui se seront effectivement acquis des titres indiscutables à la gratitude de la Nation par une découverte de tous ordres ou une invention ayant eu un grand retentissement, par des initiatives ayant contribué d’une manière importante à la mise en valeur du Pays dans tous les domaines par des travaux scientifiques ou littéraires de haute valeur ». Copie de cette réponse est faite au Préfet de Constantine.
8 Février 1941 – Le Ministre de la Justice informe le Ministre de l’Intérieur de son avis sur quelles sont les personnes visées par la Loi du 7 octobre 1940 : juifs indigènes qui avaient acquis automatiquement la qualité de citoyen français en vertu du décret Crémieux et leurs descendants, mais pas ceux qui avaient été naturalisés antérieurement au décret Crémieux, ni les juifs étrangers naturalisés individuellement, ainsi que leurs descendants.
21 Mai 1941 – Le Gouverneur Général de l’Algérie instruit le Préfet de Constantine comment présenter les dossiers de demandes en vue d’être admis à conserver le statut politique du Citoyen. La note porte un cachet « JUIFS ALGÉRIENS Loi du 7 Octobre 1940 art.5 Décret du 20 Novembre 1940 art., 6 et 7 ». La procédure imposée : « après enquête administrative, le Préfet communiquera, pour avis, le dossier au Procureur de la République du domicile du demandeur. Le Procureur de la République joindra au dossier un extrait de casier judiciaire (bulletin n° 2) et renverra le dossier au Préfet ; celui-ci transmettra le dossier avec sa proposition au Gouverneur général de l’Algérie qui, dans un rapport motivé, en saisira le Ministre, Secrétaire d’État à l’Intérieur ». Chaque dossier doit comprendre :
- un procès-verbal de l’enquête administrative ;
- un avis du Procureur de l’État ;
- une lettre contenant les propositions du Préfet ;
- un rapport motivé du Gouverneur Général.
Il rappelle que par le passé des demandes nombreuses s’appuyaient sur « des considérations étrangères à la stricte notion de « services rendus au pays » en sorte que la production d’un avis longuement motivé ne s’impose que rarement ». Le Gouverneur ajoute qu’il a fait établir des fiches spéciales aux fins « d’une procédure rapide et [du] souci d’une présentation, à la fois uniforme et pratique de tous les dossiers de l’espèce ». Il en précise le mode d’emploi de manière détaillée.
1er Septembre 1941 – Le Gouverneur Général de l’Algérie informe le Préfet de Constantine que la commission spéciale chargée à Vichy d’examiner les dossiers des juifs algériens désireux de conserver la qualité de citoyen « a émis un avis de rejet concernant des demandes de juifs indigènes algériens domiciliés dans votre département… ». Douze noms de personnes sont cités.
14 Novembre 1941 – Le Gouverneur Général de l’Algérie informe le Préfet de Constantine de « l’importance que la commission spéciale chargée à Vichy d’examiner les demandes de dérogation formées par des juifs algériens en application de l’art. 5 de la loi du 7 octobre 1940 attache à ce qu’il soit procédé à une enquête sérieuse sur chaque demande ». Il précise cependant « que ce texte est plus large que l’article 8 des lois du 3 octobre 1940 et 2 juin 1941 » et l’interprétation de l’article 5 fait que « des services exceptionnels ne seront donc pas exigés ».
6 Décembre 1941 – Le Gouverneur Général de l’Algérie précise au Préfet d’Oran « qu’il y a lieu de tenir compte, dans l’avis émis sur les demandes de maintien dans le statut politique, de l’ensemble des services rendus par les intéressés, tant militaires que civils, mais que les services rendus par les proches parents des intéressés n’ont pas à être pris en considération ». Copie est faite aux Préfet d’Alger et de Constantine.