Les Juifs d'Algérie pendant la Seconde Guerre mondiale

 

Les années 1930 virent une résurgence de l'antisémitisme, ce qui provoqua l'inquiétude des Juifs d'Algérie. Des deux côtés de la Méditerranée, les partis politiques français et les organisations de droite lancèrent, à nouveau, de violentes attaques contre les Juifs, remettant en cause leur statut dans la société. Bien que citoyens français depuis 1870, les colons n'avaient jamais totalement accepté leur naturalisation collective. La presse française et l'opinion publique dans les grandes villes étaient ouvertement antisémites et l'ambiance qui y régnait rappelait la virulence des manifestations antisémites des trois dernières décennies du XIXème siècle. La Ligue Internationale contre l'Antisémitisme fonda un peu partout en Algérie de nouvelles succursales dans lesquelles les Juifs furent très actifs. Néanmoins, ceux-ci continuèrent à se mêler à la vie sociale et culturelle des français d'Algérie, comme en témoignent le changement de leurs lieux de résidence, leur intégration économique ou encore leur contribution à la littérature locale.

Les Juifs d'Algérie avaient conscience de la montée d'Hitler au pouvoir et de la persécution des Juifs allemands. D'ailleurs, la presse juive de langue française, florissante à cette époque, appelait à un boycott des produits venus d'outre-Rhin. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, les Juifs d'Algérie furent – au même titre que tous les autres citoyens français – mobilisés lors du décret de mobilisation générale. Depuis le décret Crémieux de 1870 en effet, ils servaient dans l'armée française. Ils se battirent sur tous les fronts et plus de mille d'entre eux furent tués. La guerre fut brève cependant. La défaite de la France en juin 1940 et l'établissement du régime de Vichy entraînèrent la publication de décrets qui eurent un effet dévastateur sur les Juifs d'Algérie, surtout en comparaison avec leurs coreligionnaires du Maroc et de Tunisie.

Le premier décret abolissait le décret Crémieux, renvoyant de facto les Juifs au statut juridique qui était le leur avant l'occupation française de l'Algérie en 1830. De nombreux décrets discriminatoires sur le statut des Juifs suivirent, dont le but principal était d'exclure ces derniers de la société française. Fonctionnaires publics, médecins, banquiers, pharmaciens, journalistes, enseignants, infirmières – autant de postes que les Juifs furent contraints d'abandonner, ce malgré leur apport considérable dans ces domaines (en plus de leur contribution à la culture française). Une autre mesure instaurait un numerus clausus scolaire limitant le nombre d'enfants juifs dans le système éducatif français à 7% des écoliers, annulant par là même la loi française qui, jusque-là, obligeait les Juifs à envoyer leurs enfants dans des écoles françaises afin de renforcer leur intégration. Le renvoi des Juifs des institutions scolaires françaises et de l'enseignement frappa durement la communauté juive d'Algérie, laquelle n'était pas dotée de structures éducatives alternatives. Cette dernière prit alors l'initiative de créer son propre réseau éducatif en recrutant les professeurs juifs qui avaient été expulsés des écoles françaises.

Un autre décret prescrivait le recensement obligatoire des Juifs et l'enregistrement de leurs biens dans l'intention de les nationaliser. Le processus de dépossession était dans sa phase initiale. En outre, des Juifs furent arrêtés et envoyés dans des camps de travail installés par le régime de Vichy dans le sud du pays et tout au long de la frontière avec le Maroc, tantôt pour leur activisme politique, tantôt pour un comportement désapprouvé par les autorités françaises. De fait, il n'y eût pas de programme exclusivement dirigé contre tous les Juifs d'Algérie.

Dans le cadre de l'opération Torch, les troupes américaines débarquèrent dans les ports d'Alger et d'Oran. Elles rencontrèrent une certaine opposition à Oran, mais pas à Alger où existait un important réseau de résistance juive. Les premiers organisateurs de la future « Résistance juive » étaient des soldats de religion juive qui avaient été expulsés de l'armée française. Les officiers des Forces Françaises Libres (FFL) rejoignirent peu à peu la lutte clandestine, et l'ambassadeur américain en Algérie essaya de coordonner le débarquement américain et la prise de la ville avec le soutien des résistants.  En réalité, Alger fut sous le contrôle des résistants juifs pendant 24 heures en raison d'un malentendu avec les troupes américaines. Bien que l'opération Torch ait mis fin au pouvoir de Vichy en Algérie, les Juifs durent attendre de nombreux mois avant de récupérer pleinement leurs droits. Enfin, il est important de rappeler l'action inlassable des organisations juives américaines en faveur du rétablissement des Juifs dans le statut de citoyens de plein droit, statut qui était le leur avant la Seconde Guerre mondiale.